I Méthodologie
1 ‑ L'entreprise citoyenne: définition
Pendant les « 30 Glorieuses » l'entreprise remplissait essentiellement des fonctions économiques. Le compromis fordiste liait l'économique et le social. En contrepartie des gains de productivité réalisés, les salariés connaissaient une hausse de leur pouvoir d'achat La crise a eu pour effet de rompre le compromis existant. La répartition des gains de productivité s'est alors faite au profit du capital, des clients et de certains salariés en excluant une partie de ces derniers.
Les entreprises se sont alors progressivement aperçues que leurs décisions en matières sociale, mais aussi écologiques, influençaient les comportements d'achat des consommateurs. Apparaît alors l'entreprise citoyenne.
L'émergence de la notion d'entreprise citoyenne met l'accent sur la prise en compte des multiples responsabilités de l'entreprise:
- responsabilité sociale, par le développement et le maintien de l'emploi, la formation des travailleurs et des jeunes en difficultés, l'aide à la reconversion ;
- responsabilité écologique, par le respect de l'environnement naturel;
- responsabilité morale, par l'aide humanitaire, par le développement d'une éthique des affaires c'est‑à‑dire la prise en compte, dans la conduite des entreprises, de considérations morales et de règles de conduite conformes à l'intérêt général, par le refus du travail des enfants dans les pays sous‑traitants ;
- responsabilité culturelle, par le mécénat culturel.
2 ‑ L'engagement citoyen des entreprises: mesures concrètes et limites
a) À titre d'exemples il est possible de citer plusieurs mesures concrètes prises par des entreprises françaises dans le cadre de leur engagement citoyen.
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La RATP
malgré les difficultés et en conformité avec sa mission s'efforce de maintenir le service public du transport dans les banlieues difficiles.
Pour faciliter l'insertion des jeunes et prévenir la délinquance dans les cités, Auchan a créé l'association Trait d'Union. Par le biais de la formation et d'animations culturelles et sportives, Auchan espère accroître l'emploi dans ces quartiers et par là réduire l'insécurité et la violence.
De nombreuses entreprises à l'image de Danone mènent des actions de reconversion, de reclassement de salariés. Il s'agit pour elles d'accompagner socialement les restructurations industrielles. EDF‑GDF a signé une charte sociale avec la mairie de Charenton. L'objectif est qu'en cas d'impayés, sous certaines conditions, l'approvisionnement en énergie soit maintenu.
Mais ces engagements citoyens présentent un certain nombre delimites.
Très souvent, dans l'humanitaire en particulier, les actions citoyennes sont menées dans l'urgence répondant à un effet de mode et relevant plus de la publicité que de la solidarité véritable. Les actions externes d'entreprises ne sont pas cohérentes avec la politique sociale interne ce qui entraîne des réactions négatives de la part des salariés.
Dans les entreprises publiques on a vu se développer une précarité induisant un dualisme social entre les agents titulaires et les autres.
‑ Certains salariés s'inquiètent d'une discrimination positive dans le domaine de l'emploi en privilégiant les jeunes en difficultés au détriment des autres au comportement normal. Pour réussir, l'engagement citoyen des entreprises est conditionné par la réalisation de résultats économiques jugés satisfaisants.
II Développement structuré
Le plan
I ‑ Le droit du travail et les problèmes économiques et sociaux de l'emploi
1. L'inadaptation du droit du travail.
2. L'adaptation du droit du travail à la nouvelle donne économique.
Il ‑Les insuffisances de l'analyse libérale
1. La flexibilité, réponse partielle.
2. La flexibilité, conséquences économiques et sociales.
Introduction
L'emploi, composé par les personnes titulaires d'un contrat de travail, constitue, en France, pour le gouvernement, mais aussi pour tous les Français à des degrés divers, le problème numéro un. Le chômage représente (mai 1998) 12 % de la population active. L'exclusion se développe. Face à ces problèmes économiques et sociaux de l'emploi les solutions proposées foisonnent. Une de celles qui émergent résulte de l'analyse libérale.
Le droit du travail, c'est-à-dire l'ensemble des lois et dispositions qui régissent les relations entre employeurs et salariés, doit être adapté pour résoudre les problèmes économiques et sociaux de l'emploi.
En quoi le droit du travail peut‑il résoudre les problèmes de l'emploi ? Les modifications du droit du travail seront‑elles suffisantes ? À quel type d'analyse répondent-elles ? Ne faut-il pas faire appel à d'autres variables, économiques entre autres ?
La vision qui sous-tend cette volonté d'adapter le droit du travail est de nature libérale. Selon ses partisans il faut plus de flexibilité, de souplesse pour résoudre les problèmes économiques et sociaux de l'emploi. Mais les solutions proposées montrent des insuffisances.
1 ‑ Le droit du travail et les problèmes économiques et sociaux de l'emploi
Le droit du travail hérité en grande partie de la période des Trente Glorieuses est inadapté à la nouvelle donne économique. Il faut le modifier.
1.1. L'inadaptation du droit du travail
‑ En France, les réglementations qui pèsent sur les entreprises sont bien trop nombreuses. Elles se sont accumulées Pendant de nombreuses décennies. Dans ces conditions la capacité d'entreprendre se trouve insérée dans un véritable carcan, ce qui a pour effet de brider les initiatives.
Le droit du travail y contribue pour une large part. Le poids des formalités liées à la relation salariale est pour les PME, en particulier, devenu insupportable. L'établissement d'un bulletin de salaire, par exemple, avec les différents taux, s'avère être un exercice très complexe.
La gestion des réglementations représente un coût élevé pour les entreprises et leur complexité constitue un frein à l'embauche.
Pour certains, il faut faire éclater le compromis social qui en France a fait accepter le chômage de masse. Le SMIC (Salaire minimum interprofessionnel de croissance) se trouve au centre du problème. La réglementation du SMIC, dont le niveau est jugé trop élevé, coûte des emplois. Les victimes en sont les salariés non qualifiés et tout particulièrement les jeunes sans expérience et formation, dont la productivité est insuffisante pour ce niveau de rémunération. Une grande surface de jouets, par exemple, emploie aux États-Unis 40 % de personnes de plus qu'en France pour le même chiffre d'affaires parce que le niveau de rémunération, charges sociales comprises, y est plus faible.
1. 2. L'adaptation du droit du travail à la nouvelle donne économique
La vision libérale de l'économie, le retour du marché, se caractérise par la recherche de plus de flexibilité ou de souplesse. Dans ce cadre les modifications du droit du travail ont été ces dernières années nombreuses avec, pour objectif, de mieux s'adapter aux conditions économiques pour préserver et développer l'emploi.
Le droit du travail dans son article L. 121-5 dispose que le contrat de travail est conclu sans détermination de durée. Or, depuis quelques années, on assiste à une remise en cause du CDI (Contrat à durée indéterminée) à temps plein, au profit de contrats à temps partiel et de contrats atypiques à temps déterminé. Parmi ces derniers on peut relever les CDD (Contrat à durée déterminée), les CTT (Contrat de travail temporaire), les emplois jeunes, les CES (Contrat emploi‑solidarité), les stages divers.
L'aménagement du temps de travail se fait par la modulation qui a pour but de mieux correspondre aux contraintes de production. La loi quinquennale sur l'emploi prévoit l'annualisation du temps de travail. Elle permet de répartir la durée du travail sur tout ou partie de l'année.
Avec le licenciement économique, le droit du travail s'est adapté au contexte économique. Il est prononcé pour un ou plusieurs motifs, non inhérents à la personne du salarié, résultant d'une suppression ou d'une transformation d'emploi ou d'une modification substantielle du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques (loi du 2 août 1989 article L. 321‑1).
Dans une approche différente, la loi Robien et la loi sur les 35 heures ont pour objectif de résoudre en partie le problème de l'emploi par la réduction du temps de travail. La loi Robien du 11 juin 1996 a deux axes. Elle cherche à inciter les entreprises à embaucher ou à éviter les licenciements économiques. Les moyens sont l'allégement des charges sociales. La loi Aubry de 1998 fixe la durée du travail hebdomadaire à 35 heures en l'an 2000 (en 2002 pour les entreprises de moins de 20 salariés). Afin d'inciter les entreprises à agir au plus vite, une aide dégressive est prévue (9000 F par salarié en 1998 puis diminution de 1000 F par an).
2 ‑ Les insuffisances de l'analyse libérale
Les problèmes de l'emploi ont des causes multiples et les modifications du droit du travail ne peuvent seules les solutionner. Pour les libéraux, la cause essentielle du chômage tient à la rigidité du marché du travail d'où la nécessité d'introduire dans son fonctionnement de la flexibilité. Mais le chômage a d'autres causes et la flexibilité du marché du travail engendre des conséquences négatives.
2.1. La flexibilité réponse partielle
Les keynésiens expliquent le chômage par une insuffisance de la demande anticipée par les chefs d'entreprise. Si leurs anticipations s'avèrent pessimistes ils n'investiront pas, n'embaucheront pas et même peut‑être licencieront. Il faut donc privilégier la demande en assurant une croissance des revenus, en particulier salariaux. Pour certains, les problèmes de l'emploi viendraient du progrès technique. Schumpeter a montré que les innovations apparaissaient sous forme de grappes et entraîneraient un processus de destruction‑création. Dans un premier temps, la destruction est plus intense que la création, dans un deuxième temps le phénomène s'inverse. À court terme, la machine détruit des emplois, mais à long terme elle en crée. Autre explication, le niveau de qualification des chômeurs ne correspond pas au niveau exigé par le poste, des offres d'emplois en provenance des entreprises peuvent rester insatisfaites. a Enfin, la population active est constituée de la population en âge de travailler et désirant travailler, des titulaires d'un emploi et des chômeurs. En France la population active connaît un accroissement naturel de 150 000 personnes par an. Pour stabiliser et à fortiori faire baisser le taux de chômage, les entreprises doivent créer au minimum 150 000 emplois chaque année. À cet accroissement naturel il convient d'ajouter l'effet de l'évolution des taux d'activité. Si aux âges extrêmes les taux d'activité diminuent (prolongement de la scolarité, baisse de l'âge de départ en retraite), ils progressent pour les femmes.
2.2. La flexibilité, conséquences économiques et sociales
Les modifications du droit du travail présentent des conséquences négatives.
Avec le développement des contrats de travail atypiques tels que les CDD, CTT, Emplois jeunes, CES... on assiste à une montée de la précarité, ce qui peut entraîner des phénomènes de marginalisation et a des incidences sur le mode de consommation des ménages concernés. Selon une étude du Plan, sept millions de salariés sont, en France, concernés.
Dans les pays anglo‑saxons sont apparus les « working‑poors » (travailleurs pauvres). Le développement des emplois à temps partiel fait que certains salariés, vivent en dessous du seuil de pauvreté. Ce phénomène existe aussi en France et est la conséquence directe de la déréglementation du marché du travail.
Conclusion
Suite à la crise des années soixante‑dix une vision libérale de l'économie est réapparue après trente ans de keynésianisme. Le marché affirme sa suprématie en cette fin de siècle. Après les pays anglo‑saxons, cette vision a gagné
la France
au cours des années quatre‑vingt. Ce retour du libéralisme a pour corollaire l'adaptation du droit du travail pour aller vers plus de flexibilité. Cette réponse libérale à la crise n'est pas sans conséquences économiques et sociales avec la montée de la précarité. Se trouve alors posé le problème de la cohésion sociale car, sans un régulateur comme l'État, le système économique risque de devenir une machine à exclure. Nous courons alors le danger de nous diriger vers une société duale qui peut engendrer des réactions violentes.