La première vente d’Africains
… ces gens, une fois rassemblés sur cette place, offraient un spectacle étonnant à voir … les uns baissaient la tête et leurs visages se baignaient de larmes lorsqu'ils se regardaient les uns les autres ; d'autres gémissaient douloureusement, levaient les yeux vers le ciel et y fixaient leurs regards, et criaient à pleine voix comme s'ils imploraient le secours du père de la nature ; d'autres se frappaient le front de leurs mains et se jetaient tout de leur long à terre ; d'autres poussaient des lamentations à la manière d'un chant, selon l'usage de leur pays, et bien que les mots de leur langage ne pussent être compris des nôtres, ils révélaient bien le degré de leur tristesse. Mais pour que leur douleur s’accrût encore, survinrent bientôt ceux qui étaient chargés du partage. Et ils se mirent à les séparer les uns des autres pour que les parts fussent égales, de telle sorte qu’il était nécessaire de séparer les enfants de leurs parents, et les femmes de leurs maris, et les frères de leurs frères. Aucun compte n’était tenu ni de l’amitié, ni de la parenté, mais chacun allait tomber là où le sort l’emportait.
Gomes Eanes de Zurara, vers 1450